Troubles alimentaires | Patients
Je souffre d’un Trouble des Conduites Alimentaires
Au commencement, le TCA apparaît comme solution. Il se nourrit du manque de confiance en soi, d’estime de soi, de la culpabilité, de la peur… Angoisse de ne pas être à la hauteur, pour soi et pour les autres. Terreur de ne pas être aimé.
Le TCA devient une réponse à un vide en soi.
Il devient une façon d’exister. Se dissocier de ses émotions pour ne plus en souffrir. Inviter la maladie dans sa vie à défaut de mieux.
Les premiers temps l’association fonctionne. La maladie tient ses promesses et nous rend, semble-t-il, plus fort. Elle a cette capacité à éliminer ce qui fait mal en soi. Elle prend toute la place et devient tout. Elle a effectivement tout rempli. On lui a demandé, elle l’a fait.
Cela se passe si rapidement et insidieusement que personne ne s’en est rendu compte.
Nous ne sommes plus. La maladie a tout pris. Notre corps, notre âme, notre personnalité, nos envies, nos rêves, nos rires, notre capacité à aimer. Son piège est refermé, c’est nous qu’elle gomme à présent.
Le trouble distille une tempête d’émotions de tristesse et de colère en soi. Les sentiments de peur et d’angoisse ne s’affaiblissent jamais.
La maladie décide de tout à présent. Elle choisit qui l’on doit être, nous empêche d’aller vers les autres car elle est très possessive. Elle installe la peur et nous tient grâce à elle. Elle sait nous répéter que nous ne sommes rien sans elle avec des injonctions en boucle dans la tête.
Les sensations que nous fuyions sont revenues, plus fortes encore. Mais le TCA nous chuchote de lui faire confiance, alors on supporte tout cela.
Sentir la faim, la faim qui fait mal au corps et à l’âme.
Sentir ce corps par lequel tout passe, sentir le mal que l’on se fait.
Contrôler l’incontrôlable. Tenter d’effacer ces émotions et toutes ces sensations par tous les moyens (hyperactivité en pensée et physique, boire lorsque l’estomac crie sa faim, dormir pour éviter de manger, manger quand ça ne va pas, vomir pour vider la peur et la colère…).
Contrôler la peur du vide, avec la croyance que de contrôler « au moins le poids et l’alimentation » rend meilleur.
Anesthésier les sensations. Effacer les émotions. Ne plus sentir. La maladie efface les affects pour mieux effacer la personne.
Qui suis-je si je ne ressens plus rien ?
Je suis anorexique, je suis boulimique, je suis obèse, je suis compulsif. Je deviens la maladie. J’existe enfin.
Vivre hors du TCA devient alors impossible, il faudrait assumer d’être quelqu’un qui a été effacé, oublié. Risquer d’être quelqu’un, en n’ayant plus peur de soi-même.
Pourtant vivre c’est risquer.
Vivre c’est sentir.
Vivre c’est exister.
Oser en parler
Est-ce que quelqu’un peut me comprendre ?
Enfermé dans la maladie, on n’a plus qu’un seul espoir : celui d’être compris(e). Pourtant, tenter d’expliquer est impossible et se solde souvent par un échec qui rend plus épais encore le silence, plus grande la solitude.
On n’arrive pas à s’en sortir. On est submergé, dépassé et épuisé. On doit porter ce fardeau seul(e). C’est une bataille entre soi et soi. Comment se battre contre une chose qui vit en soi et qui décide tout ? Finalement il ne reste que le vide.
On est terrifié(e) à l’idée de dire. Comment en parler ? Cela fait si peur. On ne peut pas être compris. Avouer c’est prendre le risque d’être rejeté(e) tout comme l’on rejette ce que l’on ne comprend pas.
Difficile de saisir le sens de cette existence effacée par la maladie. On ne se reconnait plus. On est perdu. On cherche ce qui pourrait arrêter la souffrance. Y-a-t-il quelque chose à faire ? On veut crier à l’aide. Mais on a trop honte.
Ces sentiments ne s’expliquent pas, ils se vivent. Il faut pourtant oser les partager pour pouvoir se libérer.
Oser agir
Un jour quelque chose se passe, la bulle éclate, on s’aperçoit que la maladie est là et qu’on n’en veut plus.
On souffre alors de comprendre, de voir la réalité, réaliser qu’on était enfermé.
Maintenant que vous avez senti que vous ne vouliez plus, il faut oser agir. S’autoriser à y croire et percevoir que c’est possible !
Franchir, petit à petit, ces frontières qui vous séparent encore de vous-même, de ce que vous êtes et non de ce que vous devez être, de ce que vous faites et non de ce que vous devez faire, de vos projets et non ceux de la maladie.
Vous n’êtes pas seul(e). Acceptez de demander de l’aide, entourez-vous et plus que tout, soyez en sûrs : vous méritez la guérison.